"Nous ne sommes pas confrontés à plus de crises que par le passé"

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Crise au Moyen-Orient, crise énergétique, crise climatique, il existe une véritable "polycrise". Il s'agit d'une situation où plusieurs crises se produisent simultanément et déterminent ce qui se passe. Mais le monde est-il vraiment en train de sombrer dans l'abîme, ou en a-t-on seulement l'impression? Frank Roselieb est l'une des personnes qui en sait le plus à ce sujet. Il s'en occupe à titre professionnel, en tant que gestionnaire de crise.

SRF : Les crises sont-elles vraiment plus nombreuses aujourd'hui que par le passé?

Frank Roselieb : Le nombre de crises dans les pays germanophones est resté relativement constant au cours des 40 dernières années. Dans le passé, nous avions davantage de crises opérationnelles - accidents d'avion ou incendies d'hôtels - alors qu'aujourd'hui, nous assistons davantage à des crises de communication telles que les shitstorms. La perception des crises est beaucoup plus forte aujourd'hui qu'il y a quelques décennies.

SRF: Le terme de crise est-il aujourd'hui utilisé de manière inflationniste?

F.R.: Dans le passé, un événement n'était considéré comme une crise que si de nombreuses personnes étaient tuées ou blessées. Aujourd'hui, nous nous sommes éloignés de ce décompte des corps, de sorte qu'il n'existe plus de mesure précise pour déterminer si un événement est une catastrophe ou une crise.

Les crises actuelles ne sont pas si nouvelles.

De plus, certaines crises se suivent: pandémie - guerre - catastrophes naturelles. Nous avons connu la même chose il y a 20 ans, mais dans l'ordre inverse: la pandémie de SRAS en 2002 était à la fin de cette série, précédée par de graves inondations sur l'Elbe à l'été 2002, l'effondrement de la nouvelle économie et les attaques terroristes à New York et sur le Pentagone en septembre 2001. Les terroristes ont ensuite également frappé à Madrid ou à Londres. Les crises actuelles ne sont donc pas si nouvelles.

SRF: Pourquoi parle-t-on plus rapidement et plus souvent de crise aujourd'hui ?

F.R: Autrefois, il fallait plus de temps pour s'apercevoir d'une crise - et de la suivante, et de celle d'après. À l'époque, c'est en regardant la télévision le soir que l'on apprenait pour la première fois qu'un événement s'était produit. Le lendemain, on pouvait lire un article dans le journal.

Aujourd'hui, on a l'impression qu'une crise succède à une autre.

Aujourd'hui, votre téléphone vous avertit en permanence de ce qui se passe. Le seuil de ces nouvelles de dernière minute est relativement bas. Dès lors, on a l'impression que les crises se succèdent et qu'on n'arrive même plus à reprendre son souffle. Une sorte de débriefing collectif s'imposerait. Mais de tels signaux font actuellement défaut.

SRF: La crise peut-elle devenir un état permanent ?

F.R.: Pas vraiment. Car on essaie toujours de surmonter une crise. De plus, notre corps est doté d'un mécanisme qui lui permet de résister aux crises. Il s'agit des trois R : résilience, "redundancy" (abondance d'alternatives) et robustesse. Grâce à ces processus automatiques, de nombreuses crises finissent par se résoudre presque d'elles-mêmes.

SRF: Que pouvons-nous faire pour rester solides face au sentiment de crise permanente qui prévaut ?

F.R.: En période de crise, les gens ont besoin d'être impliqués sur le plan de la communication. Une sorte de gestionnaire de crise doit donc leur montrer la voie pour qu'ils reprennent courage - c'est ce qu'on appelle la lueur d'espoir à l'horizon. La communication et le leadership sont donc importants en temps de crise, de même qu'un certain niveau d'optimisme.

Il ne faut pas perdre l'optimisme de base - après tout, tout s'est toujours bien passé

En plus de 25 ans de travail en tant que gestionnaire de crise, j'ai connu plusieurs pandémies ou accidents d'avion et j'ai aidé à surmonter les crises et à y faire face. Jusqu'à présent, tout s'est toujours bien passé, qu'il s'agisse d'une guerre ou d'une crise économique. Il ne faut pas oublier cet optimisme de base - et ne pas le perdre.

Y a-t-il plus de crises qu'avant?

"J'ai cessé de consommer les informations d'actualité"

Climat, guerres, catastrophes - le monde et ses habitants croulent sous les mauvaises nouvelles. Un spécialiste des médias et un psychologue expliquent comment il est possible d'adopter une approche saine face à ce flot de nouvelles.

Les nouvelles des morts et des blessés causés par les tremblements de terre, les inondations et les sécheresses, les images des atrocités commises par les terroristes et les guerres: à toute heure, les informations déprimantes affluent. Nous apprenons sans relâche ce qui se passe dans le monde, souvent ce qui passe de plus horrible.

Cela peut affecter l'humeur. En Suisse, le nombre de personnes qui évitent consciemment les informations ou les bloquent complètement est en augmentation. C'est ce que montre la dernière évaluation du Centre de recherche sur la sphère publique et la société (fög) de l'Université de Zurich. Aujourd'hui, 43% de la population suisse s'informent en moyenne moins sur l'actualité que par le passé.

Le "Digital News Report" de l'Université d'Oxford conclut: 33% des Suisses déclarent qu'ils évitent parfois ou même souvent activement les informations.

De meilleure humeur avec moins de nouvelles

Virginia (prénom d'emprunt) est l'une d'entre elles. Cette femme de 37 ans a décidé il y a une dizaine d'années de ne plus consommer d'informations. "J'ai remarqué que j'avais déjà une humeur dépressive à six heures et demie du matin", dit-elle, "alors j'ai arrêté et je pense que mon ici et maintenant est plus détendu".

C'est par les autres que j'entends parler des choses vraiment importantes. Le reste n'est que du vent.

Virginie n'est pas la seule à adopter cette attitude. Le ministre suisse des affaires étrangères Ignazio Cassis résiste également au flux d'informations. Il a récemment déclaré au Tages-Anzeiger: "Je ne lis plus les journaux. Ils ne m'aident pas à trouver l'énergie nécessaire pour faire ce qu'il faut. Depuis que j'ai cessé de le faire, je suis trois fois plus rapide".

Le phénomène de l'"évitement de l'actualité" n'est pas nouveau. L'auteur suisse Rolf Dobelli plaide depuis des années en faveur d'un "régime d'actualité". Il décrit l'information comme un "sucre pour l'esprit" qui peut créer une dépendance, mais qui n'améliore pas la vie.

Aujourd'hui, à l'heure de la transformation numérique et de l'avalanche de messages de crise, le phénomène est à nouveau d'actualité. Il est donc temps de se pencher sur ce qui se cache derrière.

Outre la tendance populiste de droite à se méfier des médias établis et à intégrer les reportages dans des récits de conspiration afin de créer un fort sentiment identitaire, d'autres questions se posent.

Les gens évitent les nouvelles parce qu'elles les soumettent à une forte pression émotionnelle et qu'ils ont besoin d'une pause.

Est-il de ma responsabilité de savoir en temps réel ce qui se passe dans le monde? Et à quelle vitesse et avec quelle intensité dois-je m'exposer à la souffrance de ce monde? En bref: qu'est-ce qui est encore supportable pour que je reste en bonne santé et capable d'agir en tant que personne?

Anne Schulz, chercheuse sur les médias, étudie depuis plusieurs années les raisons pour lesquelles les gens sont "privés d'informations", c'est-à-dire qu'ils consomment moins d'informations que la moyenne. Ou pourquoi ils deviennent des "news avoiders", c'est-à-dire qu'ils évitent sélectivement les informations.

"Les gens évitent les informations parce qu'elles les soumettent à une forte pression émotionnelle et qu'ils ont besoin d'une pause pour récupérer", explique Anne Schulz, qui travaille au Medienpsychologischen Institut de l'Université de Zurich. Cette attitude est en partie compréhensible. Anne Schulz fait elle-même partie des personnes qui évitent les informations de manière sélective : "Je m'informe consciemment en faisant des pauses".

L'évitement de l'actualité conduit à l'exclusion sociale

Mais qu'en est-il des personnes qui ferment complètement les yeux sur les nouvelles et se retirent du monde? "Je n'ai pas l'impression d'avoir manqué quoi que ce soit. De toute façon, j'entends parler des choses vraiment importantes par d'autres personnes et le reste n'est que du vent", déclare Virginia. Cela signifie aussi qu'elle laisse le soin aux autres de voter.

Se connecter à la société, cela fait beaucoup de bruit pour rien? Lorsque l'on réfléchit à une sphère publique commune, qui devrait être la base d'une démocratie, il semble important de parler du monde dans lequel nous vivons.

"Le danger est que nous perdions un terrain d'entente et que la société se fragmente", explique Anne Schulz, chercheuse en médias. "En accédant à différents canaux d'information avec des contenus et des sources variés, il devient difficile d'avoir une discussion en tant que société".

Les gens veulent être informés, dans le sens d'un devoir civique.

L'information provenant des médias alternatifs a augmenté, surtout pendant la pandémie de Covid-19. En revanche, la confiance dans les médias traditionnels diminue. "Si les gens ne participent pas du tout, on peut supposer qu'ils cherchent d'autres sources d'information", explique Mme Schulz.

Sur les médias sociaux ou dans les groupes de discussion, il n'y a généralement pas de journalistes pour vérifier et éditer le contenu. "Les gens se forgent alors une opinion sur la base de ces informations ou se rendent aux urnes équipés de la sorte", explique Mme Schulz.

Un fossé social peut déjà être visible dans des situations quotidiennes. Virginia en est consciente lorsqu'elle s'assoit à table avec des amis et des connaissances. Je suis assise là et je me dis : "Je ne sais pas quoi dire sur ce sujet". Elle en connaît la raison : elle n'est pas informée.

Julien Furrer

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Mais elle pense aussi : "C'est bien, je peux rester assise là sans avoir à participer à ce combat de valeurs". De la position d'exclue, Virginia tire quelque chose de positif. Dans son "cocon de naïveté choisie", comme elle l'appelle, elle semble s'en sortir.

En tant que mère, Virginia est un modèle pour ses deux enfants. Comment explique-t-elle son armure face à la réalité à sa famille ? "Je veux quand même donner quelque chose à mes enfants, parce que je ne veux pas que mon mari porte seul toute la responsabilité. J'aimerais être informée. Mais dans une mesure saine.

Pourquoi les gens ont-ils besoin d'information ?

Jannis Behr, psychologue en chef des Cliniques psychiatriques universitaires (UPK) de Bâle, s'est penché sur la question de savoir ce que pourrait être un juste milieu. Il s'est intéressé de près aux raisons pour lesquelles les gens consomment des informations.

"Les gens veulent être informés, dans le sens d'un devoir civique", déclare M. Behr. Dans une démocratie, les informations constituent la base des votes, des élections et de l'engagement politique. "La curiosité est un motif humain fondamental", affirme M. Behr. Le problème réside dans la connotation négative actuelle de la curiosité, qui représente un facteur de stress.

Le stress est causé par le sentiment d'être laissé seul avec toutes les mauvaises nouvelles. "Des connaissances soi-disant factuelles sont transmises. En même temps, on ne me dit pas comment gérer tous les sentiments qui sont apparus", déclare M. Behr.

En ce qui concerne la guerre, par exemple, il pourrait être utile de savoir comment et ce que l'on peut donner ou comment je peux agir concrètement dans mon quartier. "De cette façon, on peut surmonter l'impuissance et le désarroi", explique M. Behr.

D'autre part, il y a ceux qui se perdent dans le flot d'informations, en actualisant constamment le téléscripteur ou en restant éveillés toute la nuit pour suivre une élection présidentielle. Le "Doomscrolling", la consommation excessive de nouvelles négatives, n'est pas nouveau non plus. Il ressemble au comportement addictif critiqué par Rolf Dobelli (le sucre pour l'esprit), qui peut devenir problématique surtout sur les médias sociaux, où des vidéos de cuisine apparaissent à côté de cadavres d'enfants.

Cela peut avoir pour conséquence que les bribes d'informations numériques ne déclenchent plus rien en vous. Cyniquement parlant, la souffrance à l'autre bout du monde satisfait notre dépendance. Il est donc important de trouver un équilibre. Une "fenêtre temporelle sélective", comme l'appelle le psychologue Jannis Behr, peut être utile. La consommation consciente d'informations commence par une question : "Dans quel but est-ce que je veux obtenir telle ou telle information?"

On peut essayer de ne pas laisser la seule responsabilité de la diffusion aux médias, même si les inondations de nouvelles sont omniprésentes, explique M. Behr. Au lieu de cela : Agissez et décidez de ce que vous consommez et de la quantité d'informations que vous consommez. Ce n'est que de cette manière que nous resterons touchables et capables d'agir en tant qu'êtres humains en fin de compte.

"J'ai arrêté de suivre les infos"

Le monde est-il en train de s'écrouler?

La peur de l'avenir de la planète s'accroît et touche particulièrement les jeunes.

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L'anxiété climatique, ou "éco-anxiété", est une inquiétude sur le sort de la planète, de plus en plus confrontée aux conséquences menaçantes du changement climatique. C'est une nouvelle peur, de plus en plus répandue, qui touche surtout les jeunes.

Cet état psychologique, qui ne figure pas encore dans les manuels, est décrit par Alexia Tissierès (jeune concernée) par des sentiments tels que "la colère, la tristesse, l'impuissance et l'injustice". On a peur pour son avenir ou, comme le disent d'autres jeunes, on a peur de ne pas avoir d'avenir du tout.

Les événements de ces dernières années, tels que les longues périodes de sécheresse, les fortes précipitations ou les incendies de forêt sauvages, intensifient et alimentent ces sentiments. L'éco-anxiété ne doit pas être confondue avec le choc, l'effroi provoqué par un événement naturel inhabituel. L'éco-anxiété est quelque chose "d'insidieux, qui s'inscrit dans le présent et l'avenir" de la personne concernée, explique Michele Mattia, psychiatre et psychothérapeute.

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07/28/2023 : L'éco-anxiété, la vidéo virale

"L'anxiété climatique est un phénomène constant", poursuit M. Mattia, "elle affecte notre vie quotidienne, notre façon de penser et ne nous laisse pas en repos, même lorsque nous allons nous coucher. C'est une pensée constante", sans début ni fin.

Le problème ne doit pas être banalisé, mais reconnu et traité. En ce sens, la famille joue un rôle important dans les premières étapes du processus thérapeutique. Parallèlement, il peut être utile de prendre soin de l'environnement par de petits gestes ou de se tourner vers des groupes qui militent pour sa protection.

En Suisse, il existe de nombreuses initiatives culturelles pour se reconnecter sainement à la nature. Erwan Tréguer, sophrologue, propose des marches en pleine conscience dans la forêt. L'excursion comprend une méditation, avec laquelle il accompagne les participants sur le chemin de l'acceptation. "Au fil des siècles, la vie a connu de nombreux effondrements, suivis de renaissances plus riches et plus complètes", explique le sophrologue.

Si cela ne suffit pas, il faut s'adresser à un spécialiste qui aide le patient à développer des "stratégies cognitives pour réduire l'effet de l'anxiété", explique Michele Mattia. Il s'agit de reconnaître le sentiment et de le limiter à une partie bien définie de notre esprit afin qu'il ne prenne pas complètement le dessus sur nos pensées.

Anxiété face au changement climatique

Les jeunes Suisses cherchent à sortir de la crise de la santé mentale

Dans le cadre du Conseil de l'avenir des moins de 24 ans, 80 jeunes de toute la Suisse élaborent des propositions politiques visant à améliorer la santé mentale. Les participants, tirés au sort, espèrent influencer la politique officielle.

Si un Conseil de l'avenir avait existé dans sa jeunesse, il ne se serait pas préoccupé de la santé mentale. C'est ce que dit l'expert aux cheveux grisonnants à qui les jeunes de 16 à 24 ans posent leurs questions. Mais on peut lire sur les visages des participants qu'ils sont pleinement conscients de la responsabilité qu'ils prennent ici.

Annabel Lewis, de Genève, a voté pour le thème de la santé mentale. "Je savais que les maladies mentales touchaient les jeunes, mais les chiffres que nous voyons donnent à réfléchir", dit-elle.  Une personne sur cinq est touchée par la maladie mentale. Cela signifie que chaque jeune Suisse a probablement un camarade qui connaît des difficultés psychologiques.

Le Conseil de l'avenir des moins de 24 ans s'est réuni à l'automne 2023 pendant un week-end à Zurich, Lausanne et Locarno. Ils ont assisté à des séances d'information, ils ont discuté et, à la fin, ils ont formulé leurs suggestions au niveau politique sur la manière dont la Suisse peut mieux traiter la question de la santé mentale.

Le Conseil de l'avenir est une assemblée ou un panel de citoyens. Ce n'est pas une nouveauté, ni en Suisse, ni ailleurs dans le monde. Ces dernières années, de tels groupes sont apparus comme une tendance dans le développement de la démocratie.

Conseils sur le climat et panels de citoyens

La tendance a commencé en Europe avec l'assemblée citoyenne irlandaise We The Citizens. Les citoyens irlandais tirés au sort devaient proposer des positions sur des questions polémiques dans le cadre d'un processus de discussion, appelé délibération. À la surprise générale, l'une des recommandations de ce panel irlandais concernait une loi libérale sur l'avortement - et en 2018, dans ce pays traditionnellement catholique, près des deux tiers des électeurs ont voté en faveur de cette loi. Jusqu'alors, l'Irlande n'avait pas bougé sur la question de l'avortement depuis longtemps.

Après que l'assemblée citoyenne irlandaise a sorti le pays d'un cul-de-sac politique, d'autres groupes de ce type ont été tirés au sort, notamment les conseils nationaux sur le changement climatique en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne.

Les conseils de citoyens se retrouvent souvent confrontés à des questions liées au changement climatique. Des ONG et des militants comme Extinction Rebellion ont demandé à ce que ces conseils soient impliqués dans la prise de décision concernant la politique de lutte contre le changement climatique. Les trois conseils de citoyens récemment organisés en Suisse - dans les municipalités de Winterthur, Uster et Thalwil - ont traité de la durabilité et de la politique climatique.

D'autre part, le Conseil de l'avenir, dont les membres appartiennent à la même génération que Greta Thunberg, s'est emparé d'un sujet différent qui n'était pas un enjeu politique majeur jusqu'à présent : la santé mentale.

Cette décision a été prise dans le cadre d'une enquête représentative menée auprès de 20'000 jeunes adultes en Suisse. Plus de 40% d'entre eux ont choisi de mettre l'accent sur la santé mentale. La durabilité arrive en deuxième position, avec 20%.

Fonctionnement du Conseil de l'avenir des moins de 24 ans

Au total, 20'000 des 800'000 personnes âgées de 16 à 24 ans en Suisse ont reçu une invitation. Parmi elles, 1200 ont manifesté leur intérêt pour le Conseil de l'avenir. Les membres du Conseil ont été tirés au sort parmi ce vivier de manière à représenter les groupes de population hommes, femmes, Suisse romande, Tessin et Suisse alémanique, avec ou sans la nationalité suisse. Afin qu'il n'y ait pas de barrière financière à l'engagement, les participants reçoivent une indemnité journalière équivalente à celle des militaires suisses et du service de remplacement, soit au moins 69 CHF par jour.

Le projet du Conseil de l'avenir des moins de 24 ans est mené par la Commission suisse pour l'UNESCO en collaboration avec la Société suisse pour le bien commun, qui gère notamment le Grütli, lieu où, selon un mythe sacré, la Confédération helvétique a vu le jour. Le projet bénéficie d'un large soutien, allant du gouvernement fédéral au diffuseur national suisse (la SSR, auquel appartient SWI swissinfo.ch).

Le comité directeur du Conseil de l'avenir des moins de 24 ans comprend des membres de tous les partis, ou presque - seul le siège de l'Union démocratique du centre (droite conservatrice) est encore vacant. Che Wagner, co-responsable du projet, est optimiste et pense que ce problème sera bientôt résolu, car il est en contact avec des représentants du parti potentiellement intéressés.

Annabel Lewis, 17 ans, de Genève, a voté en faveur de la santé mentale. Cette membre du Conseil de l'avenir ne se considère pas vraiment comme une personne politique.  Elle a vu dans l'appel à rejoindre le Conseil de l'avenir une occasion d'approfondir sa connaissance de la politique suisse. Annabel Lewis n'a pas encore pris de décision et est ouverte à toutes les suggestions qui lui parviendront. Elle estime que la santé mentale devrait être davantage abordée dans le système scolaire.

"À l'école, la santé mentale n'a jamais été un sujet d'actualité, c'est pourquoi il est difficile d'en parler, quel que soit l'âge", explique-t-elle. "Pourtant, la santé mentale ne devrait pas être un sujet tabou et je serais favorable à ce qu'on en parle davantage dans l'environnement scolaire. Les personnes concernées seraient alors libérées de la stigmatisation et plus enclines à rechercher des ressources thérapeutiques."

Mme Lewis estime que la Suisse devrait consacrer plus d'argent à cette question, en augmentant les ressources thérapeutiques et en rendant le sujet plus ouvert. Elle est suisse mais aussi citoyenne britannique. Son univers genevois est très international, mais au Conseil de l'avenir, elle rencontre des mondes sociaux très différents.

En termes de formation et de milieu social, le rassemblement reflète bien l'éventail de la société suisse. Un charpentier de l'Emmental est membre du Conseil de l'avenir. "Je ne l'aurais jamais rencontré autrement", déclare Wesley Meldau, 18 ans, de Zurich.

M. Meldau considère sa participation au Conseil de l'avenir comme une occasion de s'informer, d'entendre des points de vue différents et de faire des suggestions. "J'espère que nous pourrons faire des propositions concrètes aux hommes politiques et que ceux-ci nous écouteront", déclare-t-il.

"J'espère et je crois que le nouveau parlement prendra au sérieux le travail du Conseil de l'avenir", déclare Che Wagner, co-responsable du projet. "Je suis heureux que les jeunes aient voté en faveur de la santé mentale, car cette question n'appartient ni à la gauche ni à la droite, et les gens n'ont pas déjà fait leur choix.

Les jeunes ne font pas partie de la politique suisse

Il existe déjà un certain nombre de parlements des jeunes, et chaque année, en novembre, a lieu une session fédérale des jeunes, au cours de laquelle les jeunes se rendent au Parlement fédéral pendant quatre jours et travaillent à l'élaboration de positions pour les jeunes sur des questions politiques.

Un projet comme le Conseil de l'avenir est-il donc nécessaire ? "Grâce à ce Conseil de l'avenir, nous touchons des jeunes qui ne s'engageraient pas politiquement autrement", explique Lara Oliveira König, co-directrice du projet. "C'est le tirage au sort qui fait la différence, car nous avons ainsi atteint des jeunes qui n'ont pas envie de participer à des parlements ou à des sessions de jeunes".

Les deux co-directeurs du projet sont conscients du fait que la jeune génération en Suisse ne participe pas vraiment à la vie politique du pays. Seuls 23% des 800'000 jeunes de 16 à 24 ans et 37% des citoyens suisses adultes de moins de 24 ans ont jusqu'à présent participé à la démocratie suisse.

Le projet du Conseil de l'avenir des moins de 24 ans bénéficie d'un large soutien dans les milieux politiques et gouvernementaux. Pourtant, nombreux sont ceux qui, comme en témoignent les discours de bienvenue prononcés le jour de l'inauguration, le considèrent comme un outil d'éducation civique et de participation, plutôt que comme une innovation démocratique à part entière.

En tout cas, les participants veulent que leurs idées soient entendues. La question importante est donc de savoir - comme pour tous les groupes de citoyens de ce type - ce qu'il adviendra des propositions émanant du Conseil de l'avenir.

Un exemple négatif a été fourni par la Convention citoyenne sur le climat en France. Dès le départ, le président Emmanuel Macron a promis de soumettre toutes les propositions du groupe "sans filtre" au vote du parlement ou de l'ensemble des citoyens. Il a ensuite torpillé certaines idées qu'il n'aimait pas personnellement. Finalement, le Parlement a adopté une loi sur le changement climatique que la Convention citoyenne sur le climat désapprouvait fortement.

Il y a donc une assemblée citoyenne qui a constaté qu'elle n'avait finalement pas été écoutée. En sera-t-il autrement en Suisse ?

Crise de la santé mentale chez les jeunes

Répondez à nos questions

En Suisse romande, un réseau se prépare à "l'effondrement"

Solaris, né en France pendant la pandémie, s'est rapidement développé en Suisse. Une centaine de groupes affiliés se sont créés sur tout le territoire romand. Ils se préparent aux défaillances systémiques à venir. D'après l'enquête de la RTS, le réseau suscite l'attention d'un organisme de prévention contre les dérives sectaires.

Ce sont des hommes et des femmes qui pensent que l'effondrement est proche. "C'est la fin d'un temps des hommes qui a nourri la prédation et la souffrance", peut-on entendre sur la vidéo de présentation de Solaris, et "le début d'un temps qui nourrira plus de fraternité, de respect et d'amour du vivant".

En Suisse romande, le réseau est présent sur tout le territoire. Quelque 110 cellules sont répertoriées sur le site internet de Solaris, de Genève à Porrentruy, en passant par Sierre, Payerne ou Neuchâtel. Leurs tailles sont variables, d'une dizaine de membres pour les plus petites, à près de 90 pour les plus grandes.

Une "cellule", terme utilisé par Solaris, est un regroupement de personnes, dans le voisinage direct. Ils se préparent ensemble aux "défaillances systémiques" à venir: black-out, pénuries, désastres en tout genre. Le principe est de tisser un réseau d'entraide et de solidarité local, une sorte "d'internet-humain" comme le définit Solaris, pour pouvoir réagir rapidement en cas d'effondrement.

>> La carte des cellules présentes en Suisse romande:

Le mouvement est né en France, fin 2021, en pleine pandémie de coronavirus. Son fondateur, Frédéric Vidal, estime qu'il regroupe aujourd'hui plus de 50'000 personnes sur le territoire français. Il s'est ensuite vite développé outre-frontières et est aujourd'hui présent dans une vingtaine de pays, dont la Suisse. D'après les estimations de la RTS, environ 2000 membres y seraient actifs.

Solaris n'a aucune structure juridique, aucune hiérarchie. Chaque cellule fonctionne de manière indépendante et s'organise comme elle le souhaite. Un annuaire recense les noms, adresses, compétences et ressources de chaque membre, à mobiliser en cas de besoin.

Une des activités principales des cellules est de mettre en place des réseaux radio ou talkie-walkie, pour pallier d'éventuelles ruptures de communication.

La plupart des échanges ont lieu sur l'application de messagerie Telegram, montre l'enquête de la RTS. Les membres y partagent des trucs et astuces d'autonomie: comment récupérer l'eau de pluie, faire des réserves ou se lancer dans la permaculture par exemple.

Un réseau imprégné de théories du complot

A première vue, le réseau semble bon enfant et simplement empreint de bon sens. Il se présente comme apolitique et areligieux. Pourtant, notre enquête révèle qu'il est loin d'être anodin.

Il fait notamment l'objet d'une attention particulière du Centre inter-cantonal d'information sur les croyances, fondation privée d'information sur les mouvements religieux et spirituels, les sectes notamment.

À la suite de plusieurs demandes de particuliers préoccupés par le développement de Solaris en Suisse romande, le CIC a rédigé un rapport de 22 pages sur le mouvement.

Dans ce document que la RTS s'est procuré, Solaris est présenté comme fortement imprégné de théories complotistes. Elles seraient notamment véhiculées par le fondateur de Solaris, Frédéric Vidal.

L'homme se présente comme un ancien journaliste. Sous le pseudonyme "Le Passeur", il a été pendant dix ans l'auteur d'un blog aux forts accents conspirationnistes,"Urantia Gaïa", fermé en 2022. Dans plusieurs de ses déclarations, Frédéric Vidal y évoquait l'existence d'un "complot mondial des élites" et de "classes dominantes pédosataniques".

Coronasceptiques, climatosceptiques, anti-LGBT

On retrouve cette rhétorique de méfiance, voire de défiance envers la société et ses institutions, également chez certains membres romands de Solaris. Pour les besoins de l'enquête, la RTS a intégré une dizaine de groupes Telegram des cellules.

Si beaucoup de conversations sont tout à fait anodines, une quantité non-négligeable de partages de contenus à caractère complotistes sont également partagés. Des propos coronasceptiques, climatosceptiques, anti-LGBT, s'y mêlent notamment.

D'après Manéli Farahmand, directrice du CIC, interrogée mardi dans La Matinale, "c'est le croisement entre différentes idées et discours qui peut poser problème et auquel il faut être attentif. Notamment l'idée de transition, de retrait du monde, d'effondrement de la civilisation, teinté de survivalisme".

Dans ses conclusions, le CIC relève que si le mouvement peut rester tout à fait inoffensif, il existe des indicateurs d'un risque de dérive à prendre très au sérieux et à observer à l'avenir. "Est-ce qu'il y a un appel à la désobéissance civile, à la violence, à la haine, est-ce qu'il y a des formes de discriminations dans les discours, un appel à se rassembler d'une manière violente dans l'espace public?", détaille Manéli Farahmand. "Je pense qu'il est important d'observer la manière dont évoluent ces indicateurs et ce qu'ils impliquent en termes d'actions collectives ou individuelles, dans la pratique."

Pour l'heure en tout cas, seuls des appels à manifester contre les mesures sanitaires Covid ont été relayés sur les groupes.

Dans le cadre de son enquête, la RTS a tenté à plusieurs reprises d'entrer en contact avec Solaris Suisse romande et a approché directement plusieurs cellules locales. Personne n'a souhaité répondre aux questions et demandes d'interview.

Peur de l'effondrement

Les dons se concentrent principalement sur les crises

En cas de crise, les Suisses sont prêts à donner, malgré l'augmentation du coût de la vie.

Caritas, la Chaîne du Bonheur et la Croix-Rouge ont enregistré des dons records pour l'Ukraine en 2022. Les Suisses ont également répondu par des dons aux tremblements de terre en Turquie et en Syrie. Cependant, cette solidarité se fait au détriment d'autres institutions. Par exemple, le Téléthon, qui soutient les personnes atteintes de maladies génétiques rares, a enregistré une baisse de 30% des dons l'année dernière. La baisse des dons pour la coopération à long terme inquiète le secteur.

Les guerres et les crises font l'objet d'une grande attention de la part des médias, de sorte que les donateurs peuvent être plus enclins à donner de l'argent dans ces cas-là et ne pas le faire pour d'autres causes qui sont moins sous les feux de la rampe. Avec l'augmentation du coût de la vie, les gens regardent de plus près où ils font des dons.

Diverses organisations humanitaires ont collecté plus d'argent que jamais au cours des dernières années, en particulier en 2022, lorsque la guerre en Ukraine a commencé.

Caritas -> 2023 (estimation) : 30 millions, 2022 : 44.8 millions, 2021 : 28.4 millions ; Chaîne du Bonheur -> 2022 : 134 millions, 2021 : 30 millions ; Croix-Rouge -> 2023 : 45 millions, 2022 : 80 millions, 2021 : 43.3 millions.

Les crises rendent solidaires

Les crises sont omniprésentes: guerres, changements climatiques et pandémies. Le monde est-il devenu fou ou la réalité est-elle vraiment catastrophique?

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