Pessimistes, les Suisses redoutent le déclin économique et la hausse des inégalités

Les Suissesses et les Suisses se montrent pessimistes quant à l'avenir de l'économie suisse, selon le sondage SSR "Comment va la Suisse?". La population fait preuve de méfiance envers les grandes entreprises et s'inquiète du creusement des inégalités. Pourtant, les recettes libérales ont toujours la cote.

L'économie suisse se porte plutôt bien et le chômage est à un niveau historiquement bas. Et pourtant, des nuages noirs pointent à l'horizon, alimentés par les incertitudes géopolitiques, les hausses de taux d'intérêt et le ralentissement de la croissance au niveau mondial. En conséquence, les optimistes se font rares. Seul un habitant du pays sur dix pense que l'économie helvétique évoluera favorablement ces prochaines années, selon le sondage SSR "Comment va la Suisse?", dont une nouvelle salve de résultats est publiée jeudi.

En matière d'économie, le pessimisme est largement répandu au sein de la population, montre cette grande enquête réalisée par l'institut gfs.bern au printemps dernier auprès de dizaines de milliers de Suissesses et de Suisses. Près de quatre personnes sondées sur dix s'attendent en effet à une dégradation de l'économie suisse dans les années à venir. Celles qui estiment que la situation économique demeurera inchangée sont à peine plus nombreuses (44,5%).

Les Tessinois sont les moins confiants en l'avenir: 57,1% des italophones pensent que la situation économique va se dégrader, contre 47% des francophones et 36,5% des germanophones. L'inquiétude est également particulièrement marquée chez les indépendants. La moitié d’entre eux (49,8%) se montrent pessimistes quant à l’évolution économique de la Suisse, contre moins de 40% pour les employés et quelque 37% pour les personnes à la retraite.

Signe du manque de foi en l'avenir, une nette majorité de la population juge peu probable que la Suisse puisse conserver sa richesse dans le futur. Lorsqu'on s'intéresse non plus à la situation générale mais au sort des habitantes et habitants du pays, les craintes se font encore plus présentes. Les jeunes Suisses vivront moins bien que leurs parents, projettent ainsi plus de deux tiers des personnes interrogées. Un quart pensent le contraire. Au Tessin, le sentiment de déclin générationnel touche près de 80% des gens.

La population s'inquiète des inégalités économiques

Ce sentiment d'appauvrissement s'accompagne d'une inquiétude quant aux inégalités économiques croissantes. Quelque 80% de la population estime ainsi que l'écart entre les riches et les pauvres grandit toujours plus. Et plus de la moitié des Suisses ne croit pas qu'il suffise de travailler dur pour sortir de la pauvreté. D'ailleurs, la richesse extrême des milliardaires n'est jamais justifiée, assène la majorité des personnes interrogées. Pour autant, plus de 70% des Suisses ne comptent pas sur l'Etat pour améliorer la situation, insistant plutôt sur la responsabilité individuelle.

Méfiance de la population envers l'économie

La population ne s'en remet pas plus à l'économie qu'à l'Etat. La quasi-totalité des personnes interrogées (90%) pensent que les grandes entreprises s'intéressent davantage aux profits qu'au bien-être général. Près de deux tiers des Suisses rejettent le credo libéral selon lequel tout le monde, y compris les plus pauvres, bénéficient des gains des entreprises. Une majorité soutient le capitalisme, mais pas moins de 35% des personnes sondées sont d'avis que ce régime économique ne fonctionne pas et qu'il doit être aboli.

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Les recettes libérales ont toujours la cote

Malgré la méfiance envers l'économie, les recettes libérales restent pourtant les meilleures pour la majorité de la population. Une très large majorité des habitants du pays approuvent l'affirmation selon laquelle "la jeunesse actuelle a oublié que l'on doit travailler dur pour bien vivre". Parmi les personnes interrogées, près de 60% souhaitent que la Suisse en fasse davantage pour offrir de bonnes conditions à l'économie et plus de deux tiers appellent de leurs voeux une réduction drastique de la bureaucratie.

L'avenir de l'économie suisse

La répartition des revenus en Suisse est stable et moins inégalitaire qu’ailleurs

Alors que les écarts entre les plus riches et les plus pauvres se sont creusés dans de nombreux pays, la situation en Suisse est restée stable au cours des dernières décennies, d’après des données récemment publiées. Mais si la répartition des revenus est plutôt égalitaire, le patrimoine, lui, est plus concentré.

Quel niveau d’inégalités sociales est acceptable? A quel moment représentent-elles un risque pour une société? Ces questions font depuis longtemps l’objet de nombreuses recherches et la réponse, éminemment politique, n’est pas tranchée. Trop prononcées, les inégalités sociales menaceraient la cohésion et freineraient la croissance, d’après certains travaux; d’autres études avancent à l’inverse que la motivation et la productivité d’un pays pâtiraient d’une absence totale d’inégalités (lire à ce sujet l’article ci-dessous).

La gauche suisse a à son actif une longue série de tentatives de taxer davantage les plus riches, qui se sont toutes soldées par un échec dans les urnes. La dernière en date remonte à septembre 2021, quand le peuple a refusé en votation l’«initiative 99%», un texte qui réclamait que les revenus du capital (par exemple les intérêts ou les dividendes) soient imposés plus lourdement que les revenus du travail. Les Jeunes socialistes, à l’origine du projet de réforme, souhaitaient «mettre fin aux privilèges des super riches», arguant que la véritable richesse était créée par les 99 autres pourcents de la population.

Afin d’alimenter le débat avec des faits, l'Institut de politique économique suisse (IWP) de l'Université de Lucerne vient de publier unebase de donnéesmontrant la répartition des revenus - du travail et du capital - en Suisse depuis un siècle. Ces chiffres ne représentent qu’une partie de la richesse, puisqu’ils ne tiennent pas compte du patrimoine (nous y reviendrons); ils livrent néanmoins quelques enseignements.

Des données calquées sur le modèle de Thomas Piketty

Mise en ligne le 20 avril, la Swiss Inequality Database (SID) se fonde sur les données des autorités fiscales fédérales, cantonales et communales. Cette base de données interactive permet de passer en revue la répartition des revenus de 1917 à 2018.

La SID est une réplique suisse de laWorld Inequality Database(WID), une base de données mondiale établie par une équipe co-dirigée par l'économiste françaisThomas Piketty, spécialiste reconnu de la question des inégalités. Le rapport annuel sur les inégalités mondiales est tiré de la WID.

L’IWP relève d’abord que la répartition des revenus a été très stable au cours du siècle écoulé en Suisse. Avant impôts, les 10% les plus riches de Suisse gagnent environ un tiers de l’ensemble des revenus, une proportion qui n’a quasiment pas bougé depuis le début des années 1930. Après redistribution par l’Etat, cette part descend de quelques points à 30%, un chiffre lui aussi très stable.

Melanie Häner, directrice de la branche Politique sociale à l'IWP, juge remarquable que la Suisse ne soit pas plus inégalitaire aujourd’hui qu’il y a un siècle, compte tenu «des événements divers qui ont jalonné le siècle dernier, tels que des crises économiques et des guerres».

De ce point de vue, la Suisse fait plutôt figure d’exception en comparaison internationale, explique la spécialiste d’économie politique à swissinfo.ch. L’édition 2022 durapport sur les inégalités mondiales, parue fin avril, souligne que depuis les années 1980, «les inégalités se sont creusées dans la plupart des pays», de manière «spectaculaire» aux Etats-Unis, en Russie ou en Inde, et plus modérément en Europe ou en Chine. Aux Etats-Unis par exemple, la part des revenus avant impôts détenue par les 10% les plus riches est passée de 34% en 1980 à 46% aujourd’hui.

Le marché du travail limite les inégalités

La Suisse figure parmi les pays occidentaux où les écarts de revenus sont les moins grands, y compris au sein de l’Europe, qui est elle-même la région du monde la moins inégalitaire. C’est surtout vrai avant redistribution, précise Melanie Häner. Après impôts, les différences entre la Suisse et ses voisins se lissent - la redistribution est un peu plus faible en Suisse, mais elle part d’un niveau d’inégalités inférieur, analyse l’économiste.

La situation varie cependant nettement d’un canton à l’autre, avec des écarts de revenus très marqués dans les cantons de Schwytz, Zoug et Genève. Avant impôt, les 10% les plus riches y possèdent respectivement 47%, 46% et 43% des revenus totaux – contre 34% en moyenne nationale.

La bonne santé de l’économie helvétique contribue fortement à limiter les inégalités de revenus, explique Melanie Häner. «Les principaux facteurs sont, d’une part, le marché du travail flexible – nous avons l’un des taux de chômage les plus bas au monde – et, d’autre part, le système de formation duale, qui permet aux personnes n’ayant pas fait d’études supérieures d’obtenir de meilleurs revenus.»

A l’issue de la Seconde Guerre mondiale en 1945, les 10% les plus riches de Suisse payaient près de 67% du total des impôts sur le revenu, et même plus de 70% autour du début des années 1960.

«On observe un déclin conséquent entre les années 1960 et les années 1980, explicable par la forte croissance économique qui a eu lieu à cette période», pointe Melanie Häner. En résumé, avec la progression généralisée des revenus, de plus en plus de ménages ont commencé à payer des impôts ou sont passés dans des tranches d'imposition supérieures, ce qui a réduit la part des plus riches dans l’ensemble des recettes fiscales. Aujourd’hui, elle se situe à environ 51%, une proportion qui reste «substantielle» et n’a quasiment plus bougé depuis quarante ans, indique Melanie Häner.

La chercheuse estime que la concurrence fiscale qui existe entre les 26 cantons - chacun étant doté de son propre taux d’imposition - ne nuit pas à la redistribution, car l’impôt fédéral très progressif contrebalance les taux d’imposition bas pratiqués par certains cantons, à l’image de Schwytz ou Zoug. Ils «attirent les hauts revenus avec leur faible taux d’imposition cantonal, mais ces personnes paient ensuite l’impôt fédéral à un taux très élevé», explique l’économiste. Le taux d’impôt fédéral sur le revenu démarre à 0,77% etmonte jusqu'à 11,5%pour les revenus les plus élevés.

De ce fait, les plus riches contribuables de ces cantons participent très fortement à l’ensemble des recettes fiscales. A Zoug, les 10% supérieurs détiennent 46% des revenus, mais contribuent à près de 88% des impôts. A Schwytz, la participation des plus riches dépasse 70%.

A cela s’ajoute lapéréquation financière, le système de solidarité nationale selon lequel les cantons économiquement les plus forts aident financièrement les cantons les plus faibles.Zoug et Schwytz sont précisément les cantons quicontribuent le plusà la péréquation financière (à hauteur respectivement de 2600 et un peu moins de 1300 francs par habitant-e).

Des inégalités de patrimoine plus marquées

On l’a dit plus haut, les revenus et la richesse – mesurée par le patrimoine - sont deux choses différentes et les personnes disposant des plus hauts revenus ne sont pas forcément celles qui ont le plus de patrimoine.

Si l’on regarde l’ensemble des éléments constitutifs de la richesse, la Suisse est-elle si égalitaire? C’est la question à laquelle tente de répondre l’article ci-dessous.

Il recense certaines particularités du système helvétique qui ne vont pas vraiment dans le sens de l’égalité sociale. C’est par exemple le cas du taux d’accession à la propriété qui, à 40%, estle plus bas d’Europe. La hausse constante des prix de l'immobilier tend à concentrer la richesse dans les mains des propriétaires immobiliers.

L’article cite encorel’imposition au forfait(un régime fiscal spécifique, qui cible les super-riches étrangers domiciliés en Suisse), l’exemption d’impôts des bénéfices tirés de la vente d’actions et la faiblesse de l’impôt sur la succession. La moitié de la fortune totale des Suisses provient des héritages, qui sont très inégalement répartis.

Selon la World Inequality Database, les 10% les plus riches de Suisse détiennent 63% du capital, un pourcentage en hausse de près de 6 points depuis 1995, date des dernières données disponibles. En Europe occidentale, seule l’Irlande affiche un pourcentage plus élevé (66%). La moitié la moins fortunée de la population suisse ne possède même pas 4% du patrimoine.

Mais le creusement des inégalités de richesse s’observe à peu près partout dans le monde. «L’accroissement du patrimoine privé s’est déroulé de manière inégalitaire, à l’intérieur des pays comme au niveau mondial», lit-on dans le dernier rapport sur les inégalités mondiales. La concentration du capital est très marquée aux Etats-Unis, où plus de 70% du patrimoine total appartient aux 10% supérieurs. Entre 1995 et 2020, cette part est passée de 41% à 68% en Chine, et de 53% à 74% en Russie. Si les inégalités en Suisse sont plus prononcées que la moyenne européenne, elles restent donc plutôt modérées en comparaison mondiale.

Répartition des richesses

Le taux d'aide sociale est inférieur à 3%

Cette baisse coïncide avec une nouvelle diminution du nombre de dossiers d'aide sociale nouvellement ouverts, alors que l'on observe parallèlement une augmentation des prestations d'aide sociale achevées. Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), le taux d'aide sociale n'a été aussi bas qu'une seule fois, en 2008, depuis que les statistiques sur l'aide sociale sont disponibles, c'est-à-dire depuis 2005.

Les craintes que le chômage en particulier puisse avoir un impact négatif sur le bien-être en tant que conséquence à long terme de la pandémie de Covid-19 n'ont pas été confirmées. Les mesures prises par la Confédération et les cantons, en vigueur jusqu'à fin 2021, ont contribué durablement à cette évolution, poursuit le rapport. En outre, la croissance économique en cours et la situation favorable du marché du travail ont eu un effet positif sur le bien-être.

La baisse du taux d'aide sociale peut être observée dans tous les groupes à risque. Les mineurs, les étrangers et les personnes divorcées continuent d'afficher les taux d'aide sociale les plus élevés. Toutefois, la baisse est généralement plus marquée dans ces groupes à risque.

Le nombre de personnes bénéficiant de l'aide sociale dans le domaine de l'asile a augmenté en 2022 de 6,1% pour atteindre 32'100 personnes, selon l'OFS. Dans le secteur des réfugiés, le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale a diminué de 2,8% pour atteindre environ 22'500 personnes. Le nombre de demandes d'asile présentées (sans statut de protection S) a globalement augmenté par rapport à l'année précédente.

Selon l'OFS, le taux d'aide sociale a baissé dans 14 cantons et augmenté dans deux cantons. Dans les dix autres cantons, le taux est resté inchangé. Les baisses dans les deux cantons les plus peuplés, Zurich et Berne, de 0,2% chacun, ainsi que les baisses encore plus importantes dans les cantons de Bâle-Ville (-0,4%) et de Neuchâtel (-0,3%), ont été les principaux responsables de la baisse des taux.

L'aide sociale baisse

La richesse est-elle injustement répartie?

L'illusion du salaire suisse : la précarité face au coût de la vie alerte

"Vous venez de Suisse, vous devez être riche !" Les salaires suisses sont perçus très positivement de l'extérieur. Cependant, l'augmentation constante du coût de la vie pousse les familles normales à se tourner vers les banques alimentaires. Les défenseurs de la protection sociale et les économistes tirent la sonnette d'alarme.

Alors que dans de nombreux pays, un salaire mensuel de 4000 CHF (4364 $) serait considéré comme un bon salaire, en Suisse, il pousserait les individus et les familles au bord de la pauvreté.  

Hausse des loyers, pénurie d'appartements, inflation et maintenant augmentation des coûts de l'assurance maladie: les personnes vivant en Suisse reçoivent certes des salaires élevés, mais ce qui reste à la fin du mois s'amenuise.

Daniel Lauper, responsable des ventes chez Caritas, une organisation qui vise à prévenir et à réduire la pauvreté en Suisse, explique que depuis la pandémie de Covid-19, la situation de nombreuses personnes et familles est devenue précaire.

La honte ressentie par ceux qui cherchent de l'aide est douloureuse. "En Suisse, nous ne parlons pas d'argent, ni du fait que nous n'en avons pas", explique M. Lauper. Cependant, près de 750'000 personnes sont touchées par la pauvreté.

"J'ai une boule dans la gorge lorsque je pense aux nombreuses autres familles qui sont au bord du gouffre. Ce chiffre n'est pas mesurable", précise-t-il.

Daniel Lauper estime que la situation précaire dans laquelle se trouvent de nombreuses familles est "presque dangereuse" et s'inquiète de ce qu'il adviendra de la frustration des familles qui ne reçoivent pas l'aide dont elles ont besoin. "Nous ne parlons même pas de ce qui se passera l'année prochaine", déclare-t-il. Il s'attend à ce qu'un nombre encore plus important de personnes demandent de l'aide, étant donné que les revenus de l'année prochaine seront nettement plus serrés en raison de l'augmentation des primes d'assurance maladie en 2024.

En septembre, le ministre de la santé sortant, Alain Berset, a asséné un coup de massue à la Suisse. "J'ai de mauvaises nouvelles pour les ménages déjà en proie à l'inflation", a-t-il déclaré : les coûts de l'assurance maladie devraient augmenter de 8,7% en 2024.

Selon la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), cela se traduit par une augmentation de 1000 francs suisses par an des dépenses d'assurance maladie pour une famille avec deux jeunes enfants.

En Suisse, les particuliers peuvent demander une réduction de la prime d'assurance maladie, ce qui permet aux personnes ayant des difficultés financières de bénéficier d'une réduction de leur prime. Les cantons subventionnent ensuite les primes de soins de santé pour les personnes qui remplissent les conditions requises.

Cependant, les économistes estiment que faire peser la charge financière sur les cantons n'est pas une solution viable à long terme. Actuellement, la Suisse consacre 5,5 milliards de francs suisses à la réduction des primes d'assurance maladie, soit l'équivalent du budget de l'armée suisse.

Tilman Slembeck, économiste de la santé à la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW), a déclaré à la radio publique suisse SRF que sans ces réductions de primes d'assurance maladie, la Suisse aurait depuis longtemps connu un "soulèvement national". Selon M. Slembeck, le fait que le coût de la réduction des primes d'assurance maladie soit équivalent à celui du budget de l'armée montre que le système de santé en Suisse a "désespérément besoin d'être réformé".

Des voix de tous bords s'élèvent pour dénoncer ces hausses d'assurance. Certains réclament un système d'assurance financé par l'État et par les impôts. Toutefois, M. Slembeck estime que cette option n'est pas viable pour la Suisse, car elle va à l'encontre de la culture helvétique.

Un parlementaire du parti des Verts déclare : "Un cadre supérieur paie les mêmes primes d'assurance maladie qu'un ouvrier du bâtiment. C'est un manque de solidarité".

La gauche de l'échiquier politique, en particulier les Verts, réclame un système de financement des soins de santé basé sur les revenus. Cependant, M. Slembeck rejette également cette idée, affirmant qu'il n'y voit "aucun avantage". Cela reviendrait à mettre un pansement sur le problème, dit-il.

Pour ne rien arranger, l'inflation, bien que plus faible que dans la plupart des pays européens, reste élevée du point de vue suisse et les prix des loyers n'ont cessé d'augmenter.

Le directeur de l'Office fédéral du logement s'attend à ce que les loyers augmentent de plus de 15% d'ici à 2026. Cette situation, ainsi que les faibles taux d'inoccupation, qui sont passés de 1,72% en 2020 à 1,31 % l'année dernière, et la croissance de la population, qui devrait bientôt atteindre les neuf millions d'habitants, ajoutent une pression supplémentaire.

Bien que l'inflation soit tombée de 3,4% au début de l'année à 1,6% en août, les biens domestiques coûtent toujours 2,2% de plus qu'en 2022.

Cette baisse de l'inflation n'est pas ressentie par l'organisation d'aide sociale Caritas à Berne. Caritas aide également à fournir des produits alimentaires et ménagers à des prix réduits, et M. Lauper affirme que son magasin Caritas dans le canton de Berne a enregistré une augmentation de 30% du nombre de familles et de personnes cherchant de l'aide. "De plus en plus de familles avec enfants, comme vous et moi, viennent au magasin. On ne s'y attend pas", dit-il. Son magasin compte également davantage de personnes âgées et de "travailleurs pauvres".

Cependant, la Suisse n'est pas la seule à subir le poids de l'inflation. L'Union européenne a connu un pic d'inflation de 11,5% en octobre 2022. Ainsi, 21,6% de la population de l'UE est menacée de pauvreté.

L'illusion des salaires élevés

Une fois dans la pauvreté, il est difficile d'en sortir

Une fois touché par la pauvreté en Suisse, il est difficile d'en sortir. Les personnes qui se retrouvent dans une situation financière précaire ne cherchent souvent pas l'aide dont elles ont besoin. L'organisation non gouvernementale ATD Quart-Monde (All Together for Dignity) a réalisé une étude sur la pauvreté entre 2019 et 2023.

Julien Furrer

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Dans le cadre du projet "Pauvreté - Identité - Société", l'organisation internationale à but non lucratif ATD Quart-Monde a étudié les relations entre la société, les institutions et les personnes touchées par la pauvreté de 2019 à 2023. Avec le soutien de l'Office fédéral de la justice, des chercheurs et des experts en matière d'aide sociale ont examiné les personnes touchées par la pauvreté.

Pourquoi les personnes touchées ne demandent pas d'aide

C'est ce que montre l'étude: une fois qu'une personne tombe dans la pauvreté, il est très difficile d'en sortir. Parfois sur plusieurs générations. "Il s'agit d'un problème systémique et structurel. Les gens ont du mal à sortir de cette spirale descendante", déclare Perry Proellochs, rédacteur en chef d'ATD Quart-Monde.

La raison est que le potentiel et la capacité d'agir d'une personne sont négligés. Et les personnes concernées ne demandent pas d'aide sociale, notamment parce que nombre d'entre elles considèrent l'aide sociale davantage comme une aumône que comme un droit. Une perspective qui pousse les personnes touchées par la pauvreté à jouer le rôle de suppliants. Selon Perry Proellochs, la société continue de rendre les personnes en situation de pauvreté responsables de leur situation.

Les gens luttent pour sortir de cette spirale descendante.

Selon l'étude, la pauvreté est trop souvent réduite à l'absence de revenus et à l'impossibilité de payer les factures. En fait, la pauvreté va beaucoup plus loin. Elle affecte la vie sociale et culturelle d'une personne. La discrimination et l'exclusion accentuent l'isolement social des personnes touchées par la pauvreté.

L'Office fédéral de la statistique confirme l'augmentation de la pauvreté monétaire en Suisse. En 2021, 754'000 personnes étaient touchées par la pauvreté monétaire, soit 8,7% de la population suisse, 0,2 point de pourcentage de plus que l'année précédente.

Difficultés à sortir de la pauvreté

Répondez à nos questions

"Suisse riche, hommes pauvres" : (sur)vivre avec peu d'argent

La pauvreté exclut et rend malade. Dans son livre "Reiche Schweiz, arme Menschen" (Suisse riche, hommes pauvres), le journaliste Bruno Fuchs met en lumière onze histoires de personnes en marge de la société qui doivent compter chaque franc.

"Entre 40 et 65 ans, j'aimerais pouvoir me concentrer sur la partie gauche du menu au lieu de devoir toujours étudier la partie droite avec les prix", déclare l'une des personnes touchées par la pauvreté dans le nouveau livre de Bruno Fuchs "Reiche Schweiz, arme Menschen".

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"La pauvreté en Suisse est à peine visible si l'on considère que plus de 700'000 personnes sont touchées", déclare Bruno Fuchs. "Qu'est-ce que cela signifie réellement d'être pauvre? Quels sont les effets de la pauvreté sur les personnes et les familles?" Le chiffre de 700'000 ne nous dit rien. 

Quand une personne est-elle considérée comme pauvre en Suisse ?

Le seuil de pauvreté pour une personne vivant seule est d'environ 2'300 francs suisses. Pour une famille de quatre personnes, c'est environ 4'000 francs.

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"Si un voyage scolaire ou une allocation alimentaire de cinq francs est prévu, il peut arriver que la mère appelle l'école le matin et dise que l'enfant est malade. Selon une nouvelle enquête de Caritas, un enfant sur vingt en Suisse vit dans la pauvreté. "C'est au moins un sur une classe de vingt", précise Bruno Fuchs.

Les personnes interrogées décrivent comment la pauvreté s'insinue lentement en elles et érode leur estime de soi. C'est un sentiment d'avoir moins de valeur, moins de dignité.

Selon Bruno Fuchs, la pauvreté peut arriver à tout le monde. Il s'agit là de la quintessence de sa recherche. Pour la classe moyenne supérieure, la descente est plus longue, "mais c'est concevable". Il en donne également un exemple dans son livre. C'est exactement ce qui est arrivé à la fille d'un commerçant bernois bien connu.

Autre histoire racontée dans le livre, une mère s'est vue demander de payer 450 francs pour le matériel pédagogique de son enfant, mais elle ne savait pas comment s'y prendre. Au bureau d'aide sociale, l'assistante sociale lui a fait signe de s'en aller. Elle a alors demandé si elle devait se prostituer.

Presque toutes les personnes citées dans le livre de Fuchs ont finalement réussi, d'une manière ou d'une autre, à remonter la pente. Certains n'ont jamais abandonné, n'ont jamais perdu confiance en elles pour s'en sortir.

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Certains ont eu la chance de rencontrer quelqu'un qui leur a donné un coup de main. C'est le cas de Mara Rocca, mère célibataire, qui a bénéficié d'une assistante sociale compréhensive. Mais cela n'arrive pas très souvent.

Parfois, Fuchs a le sentiment que parler est bon pour les personnes concernées. Avoir quelqu'un qui vient les voir et leur demande : "Comment allez-vous ?" et qui les écoute et leur donne le sentiment que leur histoire est également importante.

En Suisse, on parle généralement peu d'argent et de pauvreté. Bruno Fuchs le fait. Il redonne une voix à ces onze personnes.

"Suisse riche, hommes pauvres"

Selon le premier Rapport social du canton du Tessin, la pauvreté augmente. Il montre également que, grâce au réseau de soutien social, le pourcentage de personnes pauvres a été réduit de moitié.

Le Tessin compte 20'000 personnes en situation de pauvreté, soit 7,4 % de la population totale. Mais ce chiffre pourrait doubler s'il n'y avait pas d'aide sociale. Ce panorama est fourni pour la première fois dans l'histoire du canton par une analyse des informations collectées dans la base de données créée à partir de sources administratives exhaustives. Ces résultats sont le fruit d'un effort conjoint du Département de la santé et de la protection sociale (DSS), du Département des finances et des affaires économiques (DFE) et du Bureau des statistiques (USTAT) réalisé sur des données collectées entre 2015 et 2018.

En 2018, le taux de pauvreté monétaire absolue, c'est-à-dire le pourcentage d'individus dans un ménage dont le revenu disponible est inférieur au minimum vital social, est de 7,4%, en augmentation par rapport aux 6,1% de 2015. La pauvreté peut toucher les gens plus ou moins intensément: l'écart entre le revenu disponible et le minimum social montre qu'en 2018, il manque à la moitié de la population en situation de pauvreté monétaire absolue jusqu'à 18,8% du minimum social pour sortir de cette situation.

La persistance de la pauvreté mesurée au cours de la période triennale 2016-2018 s'élevait à 3,8%: ce pourcentage d'individus était en situation de pauvreté monétaire absolue au cours des trois années considérées. Les prestations sociales contribuent largement à réduire le pourcentage de personnes en situation de pauvreté: en 2018, en l'absence de prestations sociales en tant que sources de revenus, la pauvreté monétaire absolue aurait été de 14,6%, soit près du double de la valeur constatée (7,4%).

Les résultats déclinés selon le type de ménage montrent que les adultes isolés avec mineurs sont, pour plus d'un indicateur, la catégorie qui s'écarte le plus des valeurs valables pour l'ensemble de la population: ils ont un taux de pauvreté monétaire absolu, un taux de pauvreté monétaire absolu combiné à l'absence de patrimoine net (c'est-à-dire l'absence d'un patrimoine suffisant pour garantir le minimum vital social pendant trois mois en l'absence de revenu), une intensité et une persistance de la pauvreté plus élevées. Dans le même temps, il s'agit également de la catégorie de ménages pour laquelle les prestations sociales ont le moins contribué à la réduction de la pauvreté en termes de pourcentage.

Si l'on considère uniquement les revenus, les catégories les plus âgées présentent les taux les plus élevés de pauvreté monétaire absolue et de persistance dans la pauvreté. Toutefois, si l'on considère également les actifs (qui peuvent être utilisés comme source de revenus de substitution), ce sont les classes les plus jeunes qui affichent les pourcentages les plus élevés de personnes en situation de pauvreté monétaire absolue combinée à l'absence de patrimoine net. En outre, les groupes d'âge les plus jeunes sont également les catégories où les écarts de pauvreté monétaire absolue sont les plus importants. En général, les valeurs des indicateurs selon le sexe ne diffèrent pas beaucoup des valeurs pour la population dans son ensemble. Parmi les deux catégories, les femmes affichent toutefois des valeurs légèrement plus élevées que les hommes.

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Le poids de la pauvreté

Les superyachts des super-riches, un symbole des inégalités croissantes

Les superyachts, ces gigantesques et luxueux navires de plaisance, se multiplient depuis une décennie en Méditerranée et ailleurs. L'émission basik de la RTS a eu accès à l'un des chantiers navals en Italie qui construit ces navires hors normes.

Un navire effarant de 140 mètres, nom de code "Schéhérazade", est immobilisé par les autorités italiennes depuis le début de la guerre en Ukraine, dans le port de Marina di Carrara, sur la côte de la Toscane. D'une valeur supposée de 700 millions de dollars, il est même équipé d’un système de missiles anti-drones pour protéger son propriétaire réel qui ne serait autre que Vladimir Poutine.

Une enquête récente du New York Times a révélé que, derrière une structure offshore complexe, c’est bien le maître du Kremlin qui serait le propriétaire final de ce navire hors norme.

A une encablure de l'embarcation, des retraités transalpins passent une après-midi tranquille à bord d’un voilier beaucoup plus modeste. Ils ont un avis bien précis sur le monstre qui mouille juste à côté. "Si c’est le bateau de Poutine? C’est ce qui se dit! Disons que, vu la taille, c’est au moins le bateau d’un oligarque russe. Et si on compare la taille à celle des autres yachts des oligarques russes, alors c’est sûrement celui de Poutine!"

Ces palais flottants monstrueux se multiplient depuis une décennie en Méditerranée et ailleurs. Comme le Vava II, 97 mètres, 150 millions de dollars. C’est le plus gros yacht aux mains d’une immense fortune helvétique, Ernesto Bertarelli.

L'émission basik a eu accès aux chantiers navals Benetti, dans la grande ville de Livourne, sur la côte de la mer Tyrrhénienne, toujours en Toscane. Numéro un mondial du secteur, ils emploient 2500 personnes sur différents sites en Italie avec un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros.

Le carnet de commandes est rempli jusqu’en 2027. Au-delà de 40 mètres de longueur, on parle de superyacht. Les chantiers Benetti en ont plusieurs modèles à proposer mais ils travaillent aussi sur mesure, dans des hangars géants à l’abri des regards. La RTS a pu visiter en exclusivité le chantier d’un nouveau superyacht, sur lequel évoluent plusieurs dizaines de personnes, de tous les corps de métiers.

De la commande à la livraison finale après trois mois d’essais en mer, les travaux durent jusqu’à trois ans. Sur le quatrième pont, une chambre à coucher avec deux salles de bains, ainsi qu'un dressing et un fitness débouchent sur une gigantesque terrasse privative équipée d’un foyer pour un feu de camp. Le nom du client n'a pas été dévoilé à la RTS, tout comme le prix exact du bateau, qui vaudrait dans les cinquante millions de francs.

Giovanna Vitelli est la CEO des chantiers navals Azimut Benetti. Elle vient de vendre un tiers du capital de son groupe au PIF (Public Investment Fund) saoudien pour environ un milliard de dollars. "Notre client, c’est le monde entier, explique-t-elle dans basik. Nos bateaux, nous les adaptons à tous les goûts, en fonction des envies et des besoins des clients. Si vous êtes Américain, vous allez aimer un grand bar, avec une très belle cuisine ouverte, pour voir défiler vos amis et vos invités. Alors que si vous êtes du Moyen-Orient, vous n’aurez pas du tout envie de voir la cuisine et l’équipage, qui seront bien séparés."

Comment expliquer la "course aux armements" dans le secteur, des bateaux toujours plus longs, luxueux et chers? "Le Covid nous a appris que la vie est courte et qu’il faut en profiter. La décision d’acheter un bateau est ainsi beaucoup plus rapide aujourd’hui que par le passé. Et puis je dirais aussi que la vie à bord d’un yacht est en fait la dernière vraie liberté. Celle d’aller où vous voulez avec les gens que vous aurez choisis", poursuit Azimut Benetti.

La vie à bord d’un yacht est la dernière vraie liberté. Celle d’aller où vous voulez avec les gens que vous aurez choisis

Chaque année, pendant quatre jours, la Principauté de Monaco accueille dans son port le gotha du secteur à la fin septembre. Prix du billet d’entrée au Monaco Yacht Show, 560 francs par jour, ce qui ne rebute pas 30'000 visiteurs.

"Notre événement attire une qualité de clientèle hors normes, bien plus élevée que celle du Grand Prix de Formule 1, explique Gaëlle Tallarida, directrice du Monaco Yacht Show. Ce n’est pas un rassemblement grand public, mais pour un public hyper sélectionné. Monaco est vraiment une capitale du yachting. L’industrie est très fortement représentée dans le pays, avec 200 sociétés et 2000 personnes, donc globalement on peut dire que Monaco, y compris bien sûr la Côte d’Azur, est un point d’ancrage de cette industrie."

C’est d’ailleurs à Monaco que se réalisent la plupart des transactions de ce marché global des superyachts. D’une valeur de 9,1 milliards de dollars en 2022, il devrait atteindre les 13 milliards en 2030 alors qu’il ne concerne que quelques milliers d’individus.

Les brokers, sorte d’agents immobiliers, servent d’intermédiaires entre les constructeurs et les futurs clients. Le courtier suisse Cornelius Kistler, qui a fondé la société Breezeyachting, fait ainsi visiter un yacht italien des chantiers navals San Lorenzo à un couple canadien très intéressé.

Ce dernier a accepté de répondre face caméra mais à condition de garder l’anonymat. L’homme semble ravi de ce qu’il vient de découvrir: "Il est très rare de trouver une chambre à coucher sur trois niveaux, multifonctionnelle, et ici, honnêtement, le côté privatif est vraiment très très bien."

Des Chinois, des Russes, un Canadien, on croise toutes sortes de nationalités sur les pontons monégasques, mais où sont les clients helvétiques? "Notre clientèle est internationale, mais il y a aussi des clients suisses, affirme Cornelius Kistler, le CEO de Breezeyachting.swiss. Ils sont très discrets, pas forcément à la recherche des objets les plus visibles, les plus gros ou les plus clinquants. Ils recherchent plutôt des expériences personnalisées pour des aventures en mer, comme un catamaran, un voilier ou des yachts très discrets."

Les efforts des brokers pour leurs clients valent bien quelques courbettes: ils prennent en général une commission de 3% sur le prix de vente d’un bateau. Faites le calcul. Sur un yacht à 40 millions, 3% représente la coquette somme de 1,2 million.

Sur leurs yachts, les super-riches se séparent du cours ordinaire du monde, y compris physiquement, en s’éloignant de l’espace terrestre pour voguer en mer. Mais en même temps, ils affichent, ne serait-ce que par le canal des réseaux sociaux, cet entre-soi, ce séparatisme

Mais au fond que représente cette course au superyacht le plus long et le plus cher à laquelle se livrent des gens toujours plus riches et toujours plus coupés du monde réel? Sociologue au CNRS auprès de l’Université de Lille, Grégory Salle s’est penché sur le phénomène, auquel il a consacré un petit essai cinglant ("Superyachts: luxe, calme et écocide", éditions Amsterdam, 2021).

"Les superyacht sont associés à l’obscénité des plus riches et à leur vulgarité paradoxale, dit-il. En comparaison, il suffit de penser à l’état des services publics élémentaires pour trouver cet étalage de richesse insupportable, d’autant plus qu’il concerne une activité frivole. Sur leurs yachts, les super-riches se séparent du cours ordinaire du monde, y compris physiquement, en s’éloignant de l’espace terrestre pour voguer en mer. Mais en même temps, ils affichent, ne serait-ce que par le canal des réseaux sociaux, cet entre-soi, ce séparatisme".

Le superyacht, symbole des inégalités

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